Réparer les vivants

Réparer les vivants« .

« … dans son bureau, au revers de la porte, il a scotché la photocopie d’une page de Platonov, pièce qu’il n’a jamais vue, jamais lue, mais ce fragment de dialogue entre Voïnitzev et Triletzki, récolté dans un journal qui traînait au Lavomatic, l’avait fait tressaillir, comme tressaille le gamin découvrant la fortune, un Dracaufeu, dans un paquet de cartes Pokémon, un ticket d’or dans tablette de chocolat. Que faire Nicolas? Enterrer les morts, réparer les vivants. »

La naissance d’un pont avait signifié la qualité d’écriture de Maylis de Kerangal. Ce nouveau roman, colossal, fait l’unanimité de la critique, portant son auteur au panthéon des écrivains contemporains.  

Bernard Pivot himself,  se déclare sidéré, qui affirme en sa chronique du 12 janvier (in le Journal du dimanche)  »  Car ce livre est un roman, un vrai roman, un très grand roman, un extraordinaire roman qui classe désormais Maylis de Kerangal parmi les écrivains majeurs du début du XXIe siècle. Fluidité et complexité du récit, art du portrait, maîtrise de la psychologie, art des descriptions des visages, des vêtements, des lieux, repères toujours significatifs, empathie sans jamais tomber dans le pathos. Et puis une écriture très originale, la richesse du vocabulaire mêlant avec saveur mots scientifiques et populaires… »

C’est dire

Choqués, violentés par l »annonce du décès cérébral de Simon Limbres, suite à un accident de voiture, Marianne et Sean, ses parents se voient aussitôt,  mais avec tact, proposer de souscrire au don d’organes.  De leur décision dépend la mise en action d’une complexe entreprise de solidarité humaine.

 » Que deviendra l’amour de Juliette une fois que le coeur de Simon recommencera à battre dans un corps inconnu, que deviendra tout ce qui emplissait ce coeur, ses affects lentement déposés en strates depuis le premier jour ou inoculés cà et là dans un élan d’enthousiasme ou de colère, ses amitiés et ses aversions, ses rancunes, sa véhémence, ses inclinations graves et tendres? « 

Un sujet délicat – une thématique, une réflexion à laquelle chacun de nous peut être confronté. Encore faut-il le traiter avec humanité. Un exercice périlleux que l’auteur réalise magistralement: sondant le coeur, l’âme des protagonistes, personnel médical compris, Maylis de Kérangal en décrit les flux, reflux avec précision. Les descriptions des cadres, lieux, événements, .. participent de cette même exigence scripturale. Résonnent d’une amplitude peu commune.  Quelques envolées lyriques, sobres, cadencées, ont des accents dignes d’Emile Verhaeren

 » A deux cents mètres du rivage, la mer n’est plus qu’une tension ondulatoire, elle se creuse et se bombe, soulevée comme un drap lancé sur un sommier. Simon Limbres se fond dans son mouvement, … »

Vous l’aurez compris, je suis conquise.

Impressionnée

Apolline Elter

 Réparer les vivants, Maylis de Kerangal, roman, Ed. Verticales, janvier 2013, 282 pp