Les heures souterraines

Les heures souterraines

Un roman qui fait mal. Mais qui le fait bien. Criant de crédibilité.  Tellement bien rédigé qu’il vous enveloppe comme une seconde peau. Un récit qui aspire le lecteur dans l’étau d’une situation à laquelle il peut parfaitement s’identifier : la haine au sein des relations de travail, arme de destruction massive de la personnalité.

Mathilde, veuve, 40 ans, élève seule ses trois fils, équilibre recouvré par l’exercice d’une fonction professionnelle stimulante. Mais un jour de septembre, tout bascule et la propulse victime de la haine insidieuse, pathologique, implacable et irrationnelle  de Jacques Pelletier, son supérieur hiérarchique. Le lecteur assiste, impuissant, à l’exclusion progressive de Mathilde au sein de la société, à la lâcheté de nombreuses réactions, à la vulnérabilité qu’engendrent solitude et  sentiment de culpabilité.

 » Une somme de petites choses insidieuses et ridicules, qui l’avaient isolée chaque jour davantage, parce qu’elle n’avait pas su prendre la mesure de ce qui se passait, parce qu’elle n’avait pas voulu alerter. Une somme de petites choses dont l’accumulation avait détruit son sommeil » (p 41)

Le récit est construit autour de la journée du 20 mai dont la protagoniste attend qu’elle change le cours infernal de sa vie.

En parallèle et par le rythme de l’alternance des chapitres, le lecteur suit Thibault, médecin urgentiste, qui vient de mettre un terme, à une relation amoureuse à sens unique. La vie de Thibault est partagée « entre 60 % de rhinopharyngites et 40 % de solitude  » enlisée dans la routine et l’agitation de la circulation parisienne.

« Peut-être qu’il n’a rien d’autre à donner qu’une ordonnance écrite au stylo bleu sur un coin de table.Peut-être qu’il ne sera jamais rien d’autre que celui qui passe et qui s’en va. » (p 100)

Mathilde et Thibault ne se connaissent pas.

Apolline Elter

 

Les heures souterraines, Delphine de Vigan, JC Lattès, août 2009, 300 pp, 17 €.

Après la lecture hautement recommandée des Heures souterraines, je vous invite à écouter l’interview que Delphine de Vigan a accordée à Edmond Morrel, le 8 septembre dernier. Il suffit de vous rendre  sur le site d’Espaces livres (lien en haut à gauche de ce blog) et de vous dire que vous y retournerez souvent.