La Liste de mes envies

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« Parce que l’amour ne résisterait pas à la vérité »

C’est bien l’enjeu de ce deuxième et tout frais roman de Grégoire Delacourt.

Nous l’attendions quelque peu au tournant, ce sympathique auteur, après le succès colossal de L’écrivain de la famille (cliquer sur la couverture du livre en vitrine du blog). Allait-il creuser la même veine d’inspiration – avec le risque du réchauffé – s’en écarter radicalement – avec le risque du sans filet ..? En fait, la question ne se pose pas,  La Liste de me envies est un très bon roman, tout simplement, qui revêt, cette fois, l’allure d’un conte philosophique.

Jocelyne Guerbette, 47 ans, est mercière à Arras et anime un blog consacré à la couture, fort d’un succès de 2000 visites par jour… . Elle et mariée à Jo(celyn) – Guerbette – technicien chez  Häagen-Dazs. Le couple a deux enfants devenus adultes et vit une union paisible et monotone, après la crise conjugale provoquée par la mort de leur bébé Nadège.

 » Il y avait une chance sur un million pour que j’épouse un Jocelyn et il a fallu que ça tombe sur moi. Jocelyne et Jocelyn. »

Il y avait « une chance sur soixante-seize millions » que Jocelyne remporte la cagnotte de l’Euro-Millions  – surtout qu’elle y jouait pour la première fois – « et ça tombait sur moi » …

Véritable pavé jeté dans une petite vie bien établie,  le chèque de 18.547.301 euros et 28 centimes va remettre en question le fonctionnement du couple et ses principes philosophiques les plus fondamentaux.

Analyse brillante du paradoxe du bonheur, le roman de Grégoire Delacourt entraîne le lecteur à considérer d’un œil neuf la hiérarchie des besoins, folies et simples ..envies.

Avec tendresse, humour -non dénué de cynisme – l’écrivain confirme sa maîtrise du style,  de l’enchaînement des situations et des images bien distillées.

Un roman placé sous le signe d’un nouveau succès.

Mérité.

Apolline Elter

La Liste de mes envies, Grégoire Delacourt, roman, JC Lattès, février 2012, 188 pp, 16 €

Billet de faveur

AE: Grégoire Delacourt, ravie de vous retrouver sur ce blog. Pour votre nouveau roman, vous vous glissez dans la peau d’une femme – Jocelyne – en prise avec des problèmes de surpoids – séquelles des maternités – de violence conjugale – Jo a essuyé sur elle sa culpabilité d’alcoolique – et les préoccupations palpitantes d’un commerce de mercerie. Avez-vous bénéficié de conseils en la matière?

Grégoire Delacourt: Merci (pour ces retrouvailles). Et non, je n’ai pas bénéficié de conseils pour me glisser dans la peau d’une femme comme vous dites, ni faire face en son nom à quelques kilos de trop et une conjugalité parfois délicate. J’ai par contre bénéficié de l’amour de ma mère qui disait qu’un homme pouvait pleurer, qu’il n’en était pas moins homme ; qu’il avait le droit d’avoir et surtout de faire savoir ses sentiments. Ce fut un cadeau dont je me suis souvenu en écrivant ce personnage de Jocelyne. Oser l’impudeur. Oser la tendresse. Et pour la mercerie, je me suis souvenu du magasin que mon père tenait à Valenciennes, où les vendeuses parlaient de boutons, de guipures et autres cordons tressés avec une bouleversante passion.

AE: Le drame – et le …fil conducteur – du roman est l’absence de communication, cristallisée par le silence qui enveloppe le chèque. Vous travaillez précisément dans le secteur de la communication, si je ne m’abuse…

Grégoire Delacourt: Oui, je travaille dans la réclame. C’est un endroit assez passionnant où les mots s’usent vite parce qu’ils disent souvent la même chose. Alors il faut les ré-assembler, les ré-inventer en permanence pour qu’ils retrouvent leur force, leur efficacité.
Dans mes deux romans, c’est vrai qu’on est confronté à des problèmes de la communication. De la relation. De la parole. Dans le premier Dumbo ne veut rien entendre. Dans celui ci, Jocelyne ne veut rien dire. J’aime bien ces moments délicats, où se tromper de mot peut faire se tromper de route. C’est dangereux. Excitant.

AE: Et puis, il y a ce poignant portrait du père de Jocelyne. Suite à un AVC, il ne dispose que d’une mémoire de 6 minutes… Cet état crée des situations frustrantes dont la révélation comique frise le cynisme.. Nouveau drame de la (non-)communication?

Grégoire Delacourt: Exactement. Lorsque j’ai appris que ce genre de symptôme existait, j’ai tout de suite pensé à en accabler un personnage. Une mémoire de six minutes, c’est la possibilité romanesque extraordinaire de renaître toutes les six minutes, de tout effacer, tout recommencer, tout rendre possible. C’est se reconnecter à l’enfance. La vraie. J’aime bien que dans cette relation, ce soit le père qui est l’enfant et Jocelyne l’adulte.

AE : Quelques scènes du récit se passent à Bruxelles. Vous avez vécu quelques années en notre Capitale, n’est-ce pas ?

Grégoire Delacourt : En effet, j’ai eu la chance d’étudier une année à Saint-Luc et surtout d’y trouver en 1982 mon premier emploi chez Intermarco-Farner (agence de publicité devenue Publicis). J’y ai passé plusieurs années heureuses, malgré le souvenir noir du Heysel (que j’évoque dans « L’Ecrivain de la Famille »). J’aime retourner à Bruxelles, pas assez souvent à mon goût….

AE : Ferez-vous une présentation de votre roman, à la Librairie Tropismes ?

Grégoire Delacourt : J’adorerais. D’autant que je cite cette magnifique librairie dans le livre…