Ce que Dominique n’a pas su

  Et que vous brûlez de savoir, ardents lecteurs de Jacqueline Harpman, et, qui sait, du  roman éponyme d’Eugène Fromentin.

 

Ressuscitant  les protagonistes du  roman du XIXe, la romancière promeut narratrice, la jeune Julie d’Orsel, personnage résolument secondaire de Dominique, qui ne voyait en elle qu’une «  petite Julie avec des sauvageries d’enfant boudeur ».

 

Mais voilà, Julie d’Orsel est amoureuse éperdue de Dominique,  épris de sa sœur aînée Madeleine, mariée et vertueuse.

 

C’est du Jacqueline Harpman grand cru que cette quête de vérité des personnages, rétablissement « historique » du récit originel, récit d’introspection, autopsie des sentiments et des relations complexes qui président aux destins des héros. La barre est haute et la vertu, requise.

 

Avec ce style choisi, ce phrasé somptueux, aux accents des  Petites filles modèles et allures de dix-neuvième revisité –  sa signature – Jacqueline Harpman livre un récit envoutant, des portraits tranchants. Tel Monsieur de Nièvres, impeccable  dans le  rôle du parfait fiancé : « Il ne faisait pas un geste, ne disait pas une parole qui ne fût en parfaite harmonie avec la situation : il avait de l’appétit à l’heure du repas, de la conversation au salon et du souffle à la promenade. Il entourait Madeleine d’une attention constante, complimentait avec discrétion et assiduité, offrait exactement le genre de présents qu’on peut attendre d’un fiancé. » (p 108) .

 

Ou l’analyse –  magistrale-  de la relation fraternelle et libertine qui unit Julie à son cousin, Olivier d’Orsel : « …je me suis souvent demandé pourquoi nous ne nous sommes pas aimés sans adverbe. Peut-être étions-nous trop semblables ? J’appartenais à ma passion malheureuse, lui au malheur d’être sans passions, chacun à notre manière nous étions insatisfaits et sensibles à l’insatisfaction de l’autr . Cela faisait beaucoup de compréhension mutuelle, je n’ai jamais entendu dire que ce soit le meilleur ingrédient de l’amour ! » (p 182)

 

L’art suprême de la sentence,  qui exprime le nœud du récit «  Plus j’y pense, plus je crois qu’il voulait l’aimer sans espoir et qu’elle résistât jusqu’au bout,  dût-elle y laisser sa santé-comme cela se passa ! » (p 311).

 

Une œuvre millésimée.

 

Apolline Elter.

 

Ce que Dominique n’a pas su,  Jacqueline Harpman, Grasset, janvier 2008, 360 pp