« .Des années plus tard, lorsque je l’ai su condamné, j’ai compris qu’aucun savoir, même le plus aiguisé, ne perce jamais la réalité d’une vie, sa réalité intime, qu’aucune connaissance ne peut effacer les remords enclos dans le temps. Je ne pouvais gommer de quelques traits de plume l’irrésolu entre lui et moi, les agissements de jadis. Si je voulais le connaître réellement, il me fallait cheminer à ses côtés page après page, sans rien exiger de l’écriture sinon qu’elle recueille le chant de son existence particulière, qu’elle en épure la clarté. Je devais laisser aux mots le seul soin de toucher à son extrême présence, à son incarnation, sans les charger de la vaine prétention des intentions, de la pesanteur des consolations. Écrire pour lui faire face, lui tenir la main. Tels devaient être mon tribut, ma gratitude. Et peut-être pourraient-ils alors, ces mots, me parler dans toute l’audace de leur liberté. »
Le Don du Père, Giuseppe Santoliquido, récit, Ed. Gallimard, mars 2025, 208 pp